Analyse d’une confusion (et d’une hypocrisie) annoncée

Émission « Bel et bien » du 4 mars 2023 : « Manger sucré en restant mince et en bonne santé ! »

https://www.france.tv/france-2/bel-et-bien/4652116-bel-bien.html

Tout commence par des images qui m’ont fait froid dans le dos, et que je n’ai pas trouvé « mignonnes » du tout, où l’on voit des bébés à qui les parents (ici en l’occurrence américains, certainement le hasard!) font gouter une sucette ou de la glace et qui deviennent comme possédés pour en ravoir. Le coté comique de ces vidéos est accompagné par les commentaires du chroniqueur qui parle de « traces », de junky, d’overdose de barbe à papa, « possédée par le démon du sucre, pupille dilatée en parlant d’une petite fille très , très excitée en tenant son bout de bois plein de sucre bleu. Ou encore ces pauvres enfants piégés par un parent sadique qui leur annonce avoir mangé tous leurs bonbons d’Halloween et qui font une crise de nerf en direct. Moi qui ai souffert pendant une très longue partie de ma vie de cette addiction au « sucre », j’en avais presque les larmes aux yeux. Avec ce qu’on sait aujourd’hui sur ce produit qu’est le sucre raffiné, comment peut on encore le promouvoir, et en donner à la chair de sa chair, comme on mettait encore au debut du 20eme siècle, un peu d’alcool dans le biberon des bébés.

L’intervenant Christophe André que j’apprécie beaucoup, entre dans une explication très claire sur le coté addictif du sucre, sur le fait que le sucre active le circuit de la récompense, que les personnes qui souffrent d’addiction diverses consomment beaucoup plus de sucre que les autres, puis il commence à minimiser l’addiction au sucre, sous prétexte que les symptômes de sevrage (lorsqu’on tente de s’en passer) ne sont pas aussi importants que pour l’alcool ou la cocaïne. Je me souviens d’un médecin qui disait qu’il ne connaissait pas de gens qui se prostitue pour du chocolat, comme cela peut être le cas avec la drogue. Je pense que si un jour on tentait d’interdire le chocolat, on pourrait avoir des surprises, comme ce jour où les gens se sont battus pour des pots de nutella en promotion.

C’est à la minute 8:35 que commence la confusion induite pour déculpabiliser les gens qui se sont reconnus dans ce profil de l’addiction au sucre. « Notre cerveau ne fonctionne qu’au sucre » lâche t il. Et tout le plateau de se détendre et rigoler: mais bien sur, c’est normal, je suis donc normal… Voila comment la confusion entre sucre et glucose est amenée dans son discours.

Si en effet, le cerveau a besoin de glucose pour fonctionner, c’est la source de ce glucose qui pose problème. Tout au long de l’émission, cette confusion sucre/glucose est entretenue. L’organisme humain est capable de fabriquer du glucose à partir des glucides évidemment, mais aussi des lipides et des protéines, grâce à la néoglucogenèse. Alors, oui, nous avons besoin de glucose mais nous pouvons le trouver autrement qu’en mangeant du sucre et des glucides! Les glucides, c’est le carburant de l’effort, comme le petit bois dans la chaudière, l’énergie qu’ils fournissent, si elle n’est pas dépensée comme c’est le cas dans notre société sédentaire, le foie la transforme en graisse de réserve.

Nouvel argument du chroniqueur: nos papilles du gout sucré sont les premières arrivées et resteront intactes jusque dans le grand âge. Mais, est il précisé que nous avons fonctionné avec des saveurs douces qui n’ont aucune commune mesure avec les actuelles? Le gout des fruits et des baies que nous consommions jusqu’à seulement 500 ans, ère de la découverte de la canne à sucre, peut il être comparé à ce concentré artificiel? Le miel n’était pas non plus un aliment de grande consommation. Et pour ma part, il ne nous appartient pas, même si je ne suis pas végan.

Minute 13:25. Elsa Wolinsky avoue son addiction au sucre et demande à Christophe André si cette relation de doudou qu’elle entretien avec cette substance, est normale. Et oui, même si le sucre a bien un effet apaisant sur le stress, la douleur, cet effet ne dure pas et comme pour les autres drogues, il en faudra de plus en plus régulièrement, et à des doses de plus en plus hautes! comme pour d’autres addictions. Cela montre bien que nous consommons actuellement le sucré comme un médicament. La raison, c’est ce déficit en gaba. Ce serai son travail de calmer. Le GABA, acide gamma-aminobutyrique, est un neurotransmetteur, messager chimique. La fonction naturelle de GABA est de baisser l’activité nerveuse des neurones sur lesquels il se fixe. Le GABA sert entre autres à contrôler la peur ou l’anxiété qui se manifeste par une surexcitation neuronale. Quand on a pas suffisamment de GABA, l’anxiété n’est pas calmée et on cherche une autre solution pour la calmer. Le sucre est la première solution trouvée (surtout depuis qu’il est facilement à disposition) pour calmer. Le voila le biscuit qui vient consoler après un petit bobo, la blédine dans le biberon pour calmer le bébé lorsqu’on ne sait pas ce qu’il a. Cette consolation est tellement facilement accessible qu’elle est donnée même sans aucune raison, juste pour le plaisir qu’elle apporte, simplement parceque les parents anticipent ce plaisir qu’ils connaissent et veulent le partager avec ceux qu’ils aiment le plus au monde. Comme le verre d’alcool qu’on partage, et les chocolats qu’on offre.

Minute 15:00 Le dossier qui explique l’arrivée du sucre est parfait. Un grand merci à Napoléon pour avoir ordonné la culture de la betterave sucrière et mis cette denrée à la portée de toutes les bourses et de toutes les pauvres dents.

Minute 17:00 La confusion continue: Notre carburant c’est le sucre, martèle le chroniqueur. Nooooooon, c’est le glucoooooooose, pas le sucre, et que le glucose, notre organisme est capable de le trouver ailleurs que dans les aliments sucrés, les glucides. Mais bon… il explique que nous en consommons plutot 100g au lieu des 25g dont nous avons besoin. Il suggère d’essayer de nous maitriser .

Minute 18:00 Intervention du Dr Réginald Allouche. Première phrase, il s’agit de génétique (ainsi, continuez de déculpabiliser, ce n’est pas de votre faute mais de vos gènes, de vos parents). Il confirme qu’il y a des inégalités entre ceux qui brûlent leurs excès de « sucre » et d’autres qui les brûlent moins bien. Ces brûleurs de calories que nous envions tous, qui peuvent manger ce qu’ils veulent et ne grossissent pas.

Petite parenthèse: On peut être mince ET malade. Les hôpitaux sont pleins de gens minces qui ont cru qu’ils pouvaient abuser de malbouffe puisque cela ne se répercutait pas sur leur silhouette. J’ai quand même entendu dans sa bouche: » Le sucre c’est un ami, et comme tous les amis, il faut savoir les garder un peu à distance » Que va t il rester dans l’esprit des auditeurs? le sucre est un ami!

Minute 21:00 Le temoignage : peut on vivre sans sucre ajouté. Et la, rien à dire! j’ai adoré. On est enfin dans la vraie définition du sucre. On peut se passer sans aucun danger du sucre, avec au contraire d’énormes bénéfices santé à sa suppression, mais en gardant une quantité de glucides sous forme de fruit (un peu), de tubercules, racines, un peu de simili-céréales, un peu de légumineuses. Voila comment les humains ont trouvé le glucose pour faire fonctionner leur cerveau, leur organisme pendant des millions d’années où le sucre n’existait pas.

Minute 25:00 Pour ne pas se désocialiser, que peut on faire? C’est la que Christophe André nous montre sa légendaire capacité bouddhiste à ménager la chèvre et le chou 🙂 : Ne pas culpabiliser quand on craque (et là je suis d’accord bien évidemment). Il lâche enfin cette phrase: « C’est un peu comme l’alcool finalement! », « Ce sont des amis qu’il faut fréquenter avec modération » Mais oui, c’est ça, boulimiques, alcooliques, on vous le dit depuis des années, consommez sucre et alcool avec MODÉRATION. « Evitez de consommer tout seul! faites le seulement en bonne compagnie » et le fameux « Savourez ». Il nous décrit ce moment de pleine conscience où tu apprends à savourer ton verre de vin ou ton carreau de chocolat. C’est vraiment méconnaitre ce qu’est l’addiction! La pauvre Elsa Wolinsky ne dit plus rien, elle ne peut que se souvenir de ce qu’elle ressent en présence de son paquet de biscuit qu’elle est tout à fait incapable de savourer. J’avais moi aussi tenté cette expérience sympa. Sauf qu’elle n’est pas reproductible toute la journée, ni tous les jours. Combien nous culpabilisons de ne pas être capables de faire cela. Ça a l’air si simple! et puis, on y arrive sous la guidance d’un thérapeute, d’analyser le carreau de chocolat. Pourquoi moi, je n’étais pas capable de le faire à chaque fois?

Minute 28:00 Les micro trottoirs des Français sont édifiants. Si on doutait encore du pouvoir addictif du sucre. Je n’ai pas fait de statistique bien sur, mais je pense que 95% des occidentaux souffrent d’une addiction aux glucides, qu’ils soient sous forme de pain, de pizza, de burger, de chips, de gâteaux, de coca ou de bonbons.

Minute 30:00 Sucre lents et sucres rapides. Encore une confusion. Dans le panier des sucres lents, on voit les pâtes (blanches ici), le riz, le pain, les patates, les légumineuses … Le conseil du Docteur: lisser les pics glycémiques, ok, pas de souci, bonne idée, « Jamais de sucre rapide en prise isolée » toujours manger avant, des fibres ou des protéines. Alors, quand vous faites une crise de boulimie mangez des légumes ou de la viande avant. C’est aussi ce que je dis aux personnes qui me consultent SAUF que moi, auparavant, je leur ai expliqué comment au préalable sortir de l’addiction. Parce que tant qu’elle est la, il est impossible de se raisonner pour manger à 17heure au retour du boulot, quand on donne des biscuits aux gouters de ses enfants, une assiette de légumes ou une boite de sardine. C’est soit de l’hypocrisie, soit de la méconnaissance.

Nous en sommes alors aux conseils basiques que connaissent tous ceux qui adoptent les régimes IGbas. Je suis toujours d’accord avec cela, mais j’ai l’honnêteté de dire que tant que l’addiction est là, ces bonnes résolutions ne tiendront pas longtemps. Le sport qui augmente un peu le métabolisme de base, parfait. Trois fois cinquante minutes par semaine, on est bien d’accord.

Pour la suite, je l’ai trouvée plutot bien, les recettes IGbas qui sont très inspirées des recettes paléo que je conseille aussi.

Minute 54:00 Dernière petite chose sur les édulcorants, ils ne sont pas conseillés car ils entretiennent la mémoire du gout sucré. Le seul qui est toléré à faible dose, c’est l’érythritol, qui ne modifie pas le microbiote intestinal. Mais toujours à faible dose!