Patient-expert, utilité et programme de formation 2024

Un nouvel acteur clé du système de santé

Résumé

Dans les maladies rares, l’expertise est limitée, les connaissances restreintes, les parcours de soins incertains et les traitements inexistants ou peu efficaces. Pour améliorer les prises en charge, il est nécessaire de tirer parti de toutes les expertises disponibles, y compris celles des malades, certains d’entre eux étant devenus de véritables patients-experts.

© 2020 médecine/sciences – Inserm

En France, il n’existe pas de définition officielle du patient-expert ; elle varie selon les domaines d’expertise considérés, les fonctions et les circonstances. C’est la traduction de l’anglais qui s’est imposée sous l’impulsion de quelques acteurs (l’alliance européenne des associations de patients atteints de maladies rares (EURORDIS), et de l’Agence Européenne du Médicament [EMA], notamment). Un consensus existe toutefois sur ce que le terme recouvre :

« Le patient-expert désigne celui qui, atteint d’une maladie chronique, a développé au fil du temps une connaissance fine de sa maladie et dispose ainsi d’une réelle expertise dans le vécu quotidien d’une pathologie ou d’une limitation physique liée à son état. »

La notion s’étend aux parents des patients trop jeunes pour remplir ce rôle

Après deux siècles de paternalisme médical, c’est une des manifestations de l’avènement du pouvoir des malades ; un véritable phénomène de société consacré par la Charte d’Ottawa (OMS, 1996), les lois Kouchner (2002) et Hôpital, Patients, Santé, Territoire [HPST] (2009) en France.

Un patient-expert est avant tout un « pair aidant » même s’il peut par ailleurs assurer d’autres rôles en parallèle comme porter la voix des patients ou défendre leurs intérêts.

Une fonction exigeante qui demande des compétences variées

La qualité de malade (ou de parent de malade) est nécessaire mais pas suffisante.

L’évolution vers l’expertise passe par le développement d’un savoir-être. Le patient-expert approfondit sans cesse ses connaissances, capitalise son expérience et celle des autres patients pour se mettre à la disposition des professionnels de santé, des chercheurs et des institutions, mais aussi de ses pairs. Cette expertise doit être reconnue par tous. On ne naît pas patient-expert, on le devient et on cultive cette compétence.

Chaque patient-expert n’a que rarement l’ensemble des compétences dans tous les domaines (médico-scientifique, médico-social, accompagnement). Chacune de ces compétences s’acquière et se travaille aussi par la formation. Le patient-expert doit rester dans des limites éthiques et altruistes, ne pas outrepasser son rôle, savoir écouter, s’adapter, être dans l’empathie, être humble et attentif, mais aussi ne pas s’oublier lui-même tout en sachant prendre de la distance le moment venu. Il doit être capable de communiquer, de vulgariser sans déformer, et d’être pédagogue.

Un champ d’action très large

Divers rôles sont assignés au patient-expert :

– pair aidant/émulateur pour les échanges et partages d’expérience directs avec les malades et leurs proches quelle qu’en soit la forme (permanences : par téléphone ou en présentiel, rencontres, chat). C’est la base de l’expertise du patient-expert.

– pair formateur : co-construction de programmes d’éducation thérapeutique et animation d’ateliers avec les soignants, vulgarisation des informations médico-scientifiques, coaching, témoignages au cours de formations médicales ou paramédicales ou lors de colloques médicaux ou scientifiques.

– ressource en tant qu’usager représentant des malades pour l’organisation des soins et la gouvernance des hôpitaux, la rédaction de fiches pratiques ou de protocoles de soins en collaboration avec les médecins, la co-construction ou relecture de protocoles d’études scientifiques.

– ressource pour de nombreuses instances publiques ou apparentées : des pools de malades-experts sont recensés à l’EMA, à la Haute Autorité de Santé (HAS), dans les Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées (MDPH) dans les comités de protection des personnes (CPP), ou autre (ENMC, ANSM). Ces institutions ou associations recherchent toutes des patients-experts et affichent leur volonté de mettre les malades au centre des dispositifs, pour garantir un minimum de démocratie sanitaire et éviter de lourdes erreurs.

Un rôle appelé à croître

La médecine de demain sera personnalisée, participative et prédictive, avec des malades au cœur du système de santé, encore plus acteurs de leur prise en charge globale. Leurs besoins et leurs attentes sont ainsi de plus en plus recherchés et évalués aussi bien par le milieu médical que par l’industrie pharmaceutique, la notion de Patient Reported Outcomes (PRO) en étant un bon exemple. Pour accompagner cette évolution, les patients-experts ont un rôle à jouer à tous les niveaux, de la recherche à la prise en charge médicale et sociale, sans oublier l’accompagnement des malades dans leur parcours de santé et leur trajectoire de vie. Ils sont un lien, des intermédiaires fiables qui vivent la maladie et la connaissent de l’intérieur. Ils enrichissent cette connaissance grâce au partage et à la capitalisation des expériences des autres malades. Ils sont capables de traduire et porter les aspirations des malades et de leurs proches qui ne sont pas nécessairement celles des médecins. Un temps précieux est ainsi gagné.

À l’international, des réorganisations s’opèrent pour mieux intégrer des représentants de patients : en fonction des actions visées (le réseau européen d’excellence neuromusculaire Euro-NMD pour l’organisation de réseaux de soins, par exemple, l’ENMC et TREAT-NMD plutôt pour la recherche) ; ou par pathologie (SMA Europe pour l’amyotrophie spinale, World Duchenne Organization pour la dystrophie musculaire de Duchenne), EURODYMA pour la maladie de Steinert). EURORDIS, la fédération européenne des associations de patients avec maladies rares a, pour sa part, créé des community advisory boards pour aider les représentants de patients à s’organiser et à se faire entendre dans le cadre de la recherche en général et des essais thérapeutiques à promotion industrielle en particulier.

En France, l’Inserm a son collège de relecteurs des protocoles de recherche dont il est le promoteur. L’industrie, autour du LEEM et de l’AFCROS, cherche à impliquer plus les associations de patients, et les laboratoires ont souvent leur « Patient Advocate » ; les hôpitaux recrutent des patients-experts pour co-construire et animer des programmes d’éducation thérapeutique.

Nouveaux enjeux, nouveaux risques

Le malade, qui met à disposition ses connaissances, devient un enjeu de création de valeurs, d’où de nouveaux problèmes d’éthique et de droit qu’il ne faudra pas éluder.

Cette place nouvelle comporte des risques : patients alibi, cooptés pour se conformer aux obligations légales, patients que l’on n’écoute pas nécessairement, ou pire patients instrumentalisés, manipulés pour faire la promotion d’un produit.

Dans la « vraie vie », le recrutement d’un nombre suffisant de patients-experts compétents pour agir à tous les niveaux et dans les domaines où ils peuvent être utiles, peut s’avérer très compliqué d’autant que leur fonction est bénévole pour la très grande majorité d’entre eux.

Formation… et professionnalisation

Les patients-experts doivent être formés pour être capables de faire face à ces défis. Ce rôle incombe principalement aux associations de patients malgré le peu de moyens dont elles disposent.

La formation est un grand défi, car il s’agit d’apprendre des notions techniques, mais aussi à se positionner et à se faire entendre, à être reconnu par ses pairs et par les structures qui les sollicitent ; les critères de choix des candidats potentiels sont donc complexes, la capacité à travailler à long terme et en équipe est primordiale, il faut inclure de nombreux jeunes et les faire monter peu à peu en compétence… Un autre défi majeur est de trouver des formateurs adaptés.

Les formations disponibles sont rares et ne couvrent pas tous les champs d’actions possibles. Plusieurs associations (Fédération des diabétiques, AFA) ainsi que des organismes (EMA, la HAS, le collège des relecteurs de l’Inserm, la MDPH, l’AFCROS, etc.) en ont créé pour faire face à leurs besoins et demandes spécifiques mais Eurordis, EUPATI ou le programme EFP pour les jeunes ont déjà des modules plus transversaux qui correspondent aux défis de demain. Des formations pour les patients-experts ont également été créées au sein des universités (l’Université des Patients à la Sorbonne).

Nous allons donc devoir construire, souvent en partenariat avec d’autres associations, des modules de formation qui créeront un cursus, pour permettre aux patients-experts d’investir toutes les nouvelles opportunités prévues par la loi, ou nécessitées par l’évolution de la science et de la société et faire vraiment entendre la voix des malades. Il faudra également trouver un référentiel pour faire reconnaitre la qualité de ces formations.

En conclusion

Le malade-expert n’est pas un épiphénomène ni une création ex-nihilo. C’est plutôt un signe de transformation de l’existant, un changement un peu déstabilisant, sans doute, mais un changement utile, innovant et nécessaire.

Ce diplôme s’obtient en 2 ans: première année dont le programme suit, pour obtenir un Certificat Universitaire « Education thérapeutique pour Patient-expert » pour lequel je viens d’être acceptée, et une 2ème année pour obtenir le Diplôme Universitaire « Patient-expert »