L’humanité ne connait pas le végétarisme depuis très longtemps (en rapport avec l’échelle de l’évolution, évidemment). Adopter le végétarisme doit être murement réfléchi car il est très facile d’aller vers les substituts de la viande (légumineuses + céréales) quine sont pas très adaptés à notre système digestif qui est celui de l’Homo Sapiens et qui n’a pas évolué. Bien qu’il soit compréhensible d’être outré par la façon dont on traite les animaux sans aucun respect, il faut bien prendre en compte le respect que nous devons à ce que la nature avait prévu pour notre espèce. Un juste milieu peut être ciblé.

L’adaptation à ce changement crée un bouleversement très important qui est la cause de la plupart de nos maladies modernes.

Alors il faut bien choisir, bien se faire accompagner si on désire emprunter cette voie.

D’abord quelques définitions:

Végétarien: Pas de chair animale. Mais il y a des nuances:

  • Le lacto-ovo-végétarisme: le fait de consommer des produits issus d’animaux comme le lait, ou les œufs
  • Le lacto-végétarisme: le fait de consommer des produits laitiers mais pas d’œufs
  • Le semi-végétarisme: le fait d’exclure la viande mais de consommer du poisson, des fruits de mer voire de la volaille.
  • Végétalien: pas de chair animale ni de produit issu de l’animal (lait/oeuf/miel…).
  • Végan: pas de chair animale, ni de produit issu de l’animal, ni de laine/cuir, pas de test sur les animaux… Rien qui nécessite l’exploitation des animaux (par exemple: visite d’un zoo, tour en calèche…)

C’est toujours un peu compliqué l’histoire du végétarisme, ce n’est pas quelque chose de linéaire. Mais, il y a eu des courants, plus ou moins importants, avec comme têtes de proue des personnages célèbres.

Concrètement, le végétarisme a toujours existé, qu’il soit éthique ou pratique. Les premières traces du végétarisme se trouvent dans l’hindouisme, au VIIIème siècle avant notre ère. Bin oui, quand t’es fervent croyant en la réincarnation, bouffer un poulet ou un porc, ça revient à manger ton grand-oncle ou ta mère. C’est pas funky, et puis, ça pollue le corps et l’âme. D’ailleurs, encore aujourd’hui en Inde, il existe une religion, proche de l’hindouisme mais beaucoup plus extrême en terme de protection des animaux: le jaïnisme. En plus d’être végétariens, les jaïns balaient devant leurs pieds lorsqu’ils marchent pour ne pas prendre le risque d’écraser des animaux, et portent aussi un masque en toile pour ne pas en avaler. Ils prônent à mort la non-violence.

En revanche, en occident, le végétarisme a mis longtemps à se faire admettre. D’ailleurs, est-il vraiment admis? Je ne sais pas, mais les philosophes grecs ont joué un rôle important.

Avant notre ère: les philosophes grecs

En 530 avant notre ère, Pythagore, entre deux exos de maths sur le triangle rectangle et les tables de multiplication, théorise le végétarisme. Le philosophe grec a fondé une école en Italie, et durant les cours, il explique la théorie de la transmigration des âmes. C’est le principe de la réincarnation. Après la mort, une âme migre d’un corps à l’autre, mais pas nécessairement des corps humains. Donc dans une vie, tu peux être Julien, 25 ans, prof d’EPS à Paris, et dans une autre vie, souris dans un appartement bordelais.

Aussi, pour Pythagore, abattre des animaux est un crime. Il interdit la consommation de viande à ses élèves, ainsi que le port de vêtements en laine. Du coup, il est plus proche du véganisme.

Un siècle plus tard, dans La République, Platon explique que dans l’idéal, tout le monde serait végétarien. Il énonce que c’est à cause de la consommation de viande par les humains que la ville devient insalubre. De plus, les hommes se battent pour s’approprier des pâturages et revendre la marchandise, ce qui crée des inégalités entre eux. Et puis des guerres. Sans parler des maladies transmises par la viande. Si tu veux mon avis, c’est quand même super actuel, comme problème.

Plutarque, un siècle après la naissance de JC reprend la théorie de Pythagore et y ajoute une petite touche sentimentale. Alors certes, il y a la transmigration des âmes, donc manger un animal revient à manger un humain, mais surtout, l’animal est un être vivant, avec un cœur qui bat et une âme. Et on ne peut pas lui ôter la vie pour s’accorder un petit steak, ou une cuisse de poulet.

Époque romaine: les gladiateurs

A l’époque romaine, on aime bien la viande, c’est l’heure de gloire du banquet sacrificiel. On prend un être vivant, de type agneau, veau, poulet ou encore un porc, on le découpe, on donne les parties nobles aux Dieux, et les humains prennent le reste. Au quotidien, les Romains mangent surtout des céréales et des fruits et légumes parce que c’est plus facile à exploiter. Et moins cher. Mais aux IIème et IIIème siècles, on a un peu zappé les théories philosophiques des Grecs, et on mange de la viande sans se poser de question. En revanche, comme vous l’avez peut-être lu dans Slate, les célèbres gladiateurs suivent un régime végétarien. Pourtant, ils avaient de gros muscles. Comme quoi, les protéines, on peut les trouver ailleurs. Ailleurs, genre, dans les haricots. Le plat préféré des combattants romains. Une bonne assiette accompagnée d’une boisson énergisante à la cendre (parfait pour le calcium, pas besoin de produit laitier), et c’est parti pour des combats endiablés dans l’arène.

Moyen-âge: les cathares

Au Moyen-âge, on aime chasser et on aime la viande! L’art de la vénerie se pratique dans toute l’Europe. De vrais carnassiers. Enfin, en théorie. Dans la pratique, on aimerait bien (c’est une sorte d’idéal diététique), mais tout le monde n’a pas les moyens de manger de la viande quotidiennement. D’ailleurs, même pendant le carême, période de jeûne chrétien, on peut manger du poisson. Or, le poisson, ça reste de la chair animale. Dans le même temps, on s’habille de cuir et de laine et on ajoute du gras de porc dans la soupe, pour le goût.

Ce n’est pas l’heure de gloire du végétarisme, au contraire. Ne pas manger de viande, c’est signe d’hérésie. Et les hérétiques, on les brûle. C’est le cas des cathares. Les mecs, ils ne sont pas végétariens puisqu’ils mangent du poisson, mais ils ne mangent pas de viande ni de produit issu de l’animal. En fait, par conviction religieuse, les cathares ne doivent pas manger ce qui est impur. Et l’impureté vient par le sexe, le coït. CQFD.

Aussi, les cathares sont chastes. Mais bon, avec leur vision idéale de la chrétienté, les cathares font peur à l’Eglise catholique. Alors à la fin du XIIIème siècle, elle lance une inquisition contre les hérétiques. La majorité de la communauté cathare est brûlée.

Renaissance et époque classique: les Lumières et le romantisme

À partir du XVIème siècle, de nombreuses personnes vont revendiquer leur régime végétarien ou végétalien d’un point de vue éthique. C’est le cas de Léonard de Vinci, qui, entre les plans de l’escalier à double révolution et la Joconde, écrit dans ses cahiers son amour pour la nature et le respect des animaux. Jusque dans l’assiette. Léonard de Vinci était semble t-il végétarien.

Deux siècles plus tard, avec la philosophie des Lumières, c’est la mise en pratique de la justice, de la liberté et de la fraternité. Et surtout de l’Humanité. Oui, le respect de l’humain, mais aussi de son environnement. John Locke déclare ainsi que l’observation des animaux permet de démontrer qu’ils communiquent, ressentent la douleur et expriment des émotions. Il y a finalement si peu de différences entre les êtres humains et les animaux, qu’être apte à tuer un animal, c’est être prêt à tuer un homme. Et les humanistes, ils sont pas trop d’accord avec ça.

Enfin, les romantiques, nombreux à la fin du XVIIIème siècle, s’opposent à la production de masse de viande. Les déchets sont de plus en plus nombreux, le gaspillage également. Les romantiques rêvent d’une communion entre l’homme et la nature. Pas dans l’assiette, la communion. Alors ils créent des jardins dans les grandes villes et démontrent l’existence de nombreux substituts à la viande. Un mouvement végétarien actif va commencer à se mettre en place.

XIXème et XXème siècle: les premières associations

La première association végétarienne est anglaise. Elle apparaît en 1847, fondée par des chrétiens évangélistes. C’est la Vegetarian Society. C’est à ce moment-là qu’apparaît le terme «végétarien». Jusque-là, on parlait de «régime végétal» ou «pythagoréen». Ou on n’en parlait pas : on ne mangeait pas de viande et puis c’est tout. Il n’était pas utile de poser des étiquettes sur les régimes alimentaires. D’ailleurs, les végétariens du XIXème siècle sont en fait les végétaliens d’aujourd’hui: ni viande, ni produit animal. La Vegetarian Society (devenue Vegetarian Society of the United Kingdom) est donc végétalienne. D’ailleurs, pour montrer la différence, une nouvelle association se crée en 1944: la Vegan Society. Sauf qu’aujourd’hui, comme on l’a vu plus haut, être vegan, c’est être plus que végétalien, c’est refuser toute exploitation animale.

A partir du XXème siècle, l’accent va être mis sur la protection des animaux, reprenant ainsi la philosophie de Plutarque. On ne peut pas tuer des êtres vivants (en les faisant souffrir ou non) pour s’alimenter, alors qu’il existe de nombreux substituts à la chair animale.

Aujourd’hui: un faisceau de raisons

En 2015, être végétarien c’est tenter de répondre à divers problèmes: économique (lutter contre la production de viande en masse), écologique (18% de l’effet de serre serait dû à l’exploitation animale), éthique (respecter et assurer la protection des animaux) et sanitaire (lutte contre le cholestérol, cancer de l’intestin, du pancréas…).

C’est aussi faire face à de nombreux préjugés et résistances… surtout en France.

En France, la première association apparaît seulement en 1994, c’est l’Alliance Végétarienne. Elle change de nom en 2007 pour devenir l’Association Végétarienne de France.

Encore aujourd’hui, le nombre de végétariens est bien moindre en France, en Espagne ou en Belgique (moins de 3% de la population), en comparaison de l’Angleterre, de l’Allemagne (entre 3 et 10%), ou encore l ‘Italie (10% !) –même si des chiffres fiables sont difficiles à obtenir.

Faut dire qu’en Angleterre et en Allemagne, la culture est bien différente, du fait de l’implantation du protestantisme. Le repas est un lieu de liberté, où l’on s’adapte aux régimes alimentaires de chacun. En France, au contraire, on sent l’influence de la religion catholique: le repas est perçu comme un lieu de communion, où on doit tous manger pareil, c’est la tradition de l’eucharistie. Eh ouais. Quand ton tonton férocement athée se lance dans une diatribe sur le mode «Ouais, mais c’est quoi ça, avec tes conneries faut te faire un plat à part à table, si chacun mange son truc dans son coin, elle est où la convivialité à la frônçaise?», en fait il est sous influence catholique. Dis-lui, ça le fera rigoler. Ou pas.

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