Période végétarienne et insectivore : le Miocène
Aussi loin qu’on recherche notre ancêtre, vers 7 millions d’années, nous retrouvons des êtres se nourrissant de végétaux, de tubercules, de racines, d’insectes et éventuellement de petits animaux.

Introduction de la viande : le Pliocène
Si les hominidés de cette période ont toujours principalement un régime alimentaire végétarien, certaines espèces semblent consommer de plus en plus de viande. C’est d’abord par charognage (solution la plus simple) puis peu à peu en chassant que l’alimentation carnée est introduite.



L’alimentation carnée s’amplifie : le Paléolithique ancien
La viande (et pour ce qu’on en sait assez tardivement, le poisson) deviennent les principaux aliments de nos ancêtres. Bien sûr la consommation de végétaux et de fruits est toujours importante car elle représente, entre autres, un apport nécessaire de vitamines (et d’indispensables fibres végétales). Il faut noter que les hominidés de cette période consommaient 3 à 10 fois plus de vitamines que l’homme moderne.


Introduction des céréales et du lait : le Néolithique
Le changement de vie au Néolithique s’accompagne rapidement de modifications profondes dans l’alimentation des hommes, au détriment de la viande. D’abord cueillies, les céréales sont cultivées et prennent une place importante dans le régime alimentaire. L’élevage des animaux permet d’introduire un aliment qui était jusque-là réservé aux enfants : le lait. Une « nouvelle cuisine » apparaît avec la céramique : les purées et les bouillies. Conséquence sur la santé, la multiplication des caries sur les dents fossilisées qui étaient très rares au Paléolithique…

La révolution industrielle
En industrialisant ses productions, y compris pour les aliments, l’homme va modifier encore une fois très rapidement son régime alimentaire. En moins de 200 ans nous nous sommes de plus en plus éloignés du produit frais. Les aliments nous parviennent sucrés, enrichis, contenant de plus en plus de graisses (mauvais acides gras saturés), de sel, de conservateurs, de colorants… et bien moins de fibres végétales. Après la carie ce sont véritablement l’obésité généralisée et ses complications (diabète, maladies cardio-vasculaires) qui nous guettent ! Toujours pas habitués au lactose…
Des récents travaux publiés dans la revue Nature Genetics montrent que le lait n’est pas encore assimilé par toutes les populations. Récemment introduit dans notre alimentation, le lait n’est pas encore toléré chez les espagnols ou les chinois par exemple !
Alimentation par lignées


Les australopithèques
Les éléments dont nous disposons indiquent que les australopithèques étaient végéta-riens et insectivores mais que, à l’occasion, il leur arrivait de déguster des rongeurs, des reptiles, des oiseaux, des œufs. Les espèces robustes se différencient par une alimentation exclusivement végétarienne.
Les australopithèques de l’Afar consommaient abondamment les parties souterraines des plantes (racines, bulbes, tubercules, rhizomes…) comme d’autres aliments coriaces tels que des légumes et des fruits.
Le genre Homo

Homo habilis
Son appareil masticateur reflète un régime de plus en plus omnivore. Il se nourrit pour plus des deux tiers de végétaux comme des bourgeons, jeunes feuilles, fruits, baies (en saison humide) et de noix, rhizomes, bulbes (saison sèche). Pour la viande, ils doivent en priorité dépecer des carcasses de gros herbivores tués par d’autres animaux et de manière plus ponctuelle attraper de petites proies (jeunes cochons, petits singes…)

Homo erectus
Si Homo erectus (et ergaster) continue à se nourrir de végétaux, il consomme de plus en plus de viande. Pour cela il pratique une chasse active sur de gros gibiers. Il développe pour cela de nombreux outils et armes. Cette pratique intensive de la chasse lui permet de se déplacer sur de vastes territoires et il modifie son mode de vie. A l’occasion, Homo erectus pouvait également consommer des coquillages.

Homo neanderthalensis
C’est le plus carnivore de toute la lignée des hominidés… Dans les régions les plus nordiques, beaucoup pensent que son alimentation est même essentiellement carnée du fait du manque de végétaux.
Plusieurs éléments permettent de penser qu’Homo neanderthalensis pratiquait également la pêche. En 2008 une étude complète l’alimentation de Néandertal par du poisson, du phoque, du dauphin… En 2009 on retrouve des traces de consommation de végétaux dans le tartre de dents néandertaliennes.
Sujet à débats, la pratique du cannibalisme pour survivre ou par rituel est parfois avérée, comme aussi chez les erectus de Tautavel ou d’Atapuerca.

Homo sapiens
Cette espèce, la nôtre, est celle dont le régime alimentaire a le plus évolué dans le laps de temps le plus court. De chasseur-cueilleur nomade, nous sommes passés au stade de cultivateur-éleveur, puis d’industriels… Même si nous consommons plus ou moins la même part de viande que nos ancêtres directs, celle-ci a complètement changé de nature. L’élevage intensif d’animaux, nourris avec des aliments riches donne une viande beaucoup plus grasse que celle du Paléolithique.
La graisse est recherchée car elle est responsable du goût et de la tendreté..
La promiscuité des villages et la proximité des animaux est très probablement à la base des maladies infectieuses graves comme la tuberculose.
Extrait de « La Nutrition préhistorique », de Gilles Delluc docteur en Préhistoire, département de Préhistoire du Muséum National d’Histoire Naturelle (Paris), et médecin des hôpitaux avec la collaboration de Brigitte Delluc, docteur en Préhistoire, et de Martine Roques, médecin nutritionniste.

Nous sommes sur cette terre depuis 2,5 millions d’années, depuis Homo habilis en Afrique. Nous nous sommes nourris de la chair des animaux sauvages, charognés ou chassés, et des plantes cueillies ou ramassées, en pratiquant un exercice physique intensif. Omnivores, nous sommes génétiquement programmés pour ce mode de vie.
On connaît bien les ressources animales et végétales disponibles au cours des temps préhistoriques. La fouille des gisements et l’analyse des graphismes préhistoriques fournissent de nombreux indices. Les connaissances sur le métabolisme et sur la nutrition de l’Homme ont fait des progrès remarquables. Il est donc désormais possible de fournir un essai de « paléo-physiologie ».Le lecteur pourra se faire une idée assez précise de la composition de la ration alimentaire à divers moments de notre préhistoire, expliciter certains choix, comprendre certaines pratiques.
Il y a moins de 10 000 ans, progressivement, les Hommes se sont sédentarisés et ont inventé la culture et l’élevage : la production des céréales farineuses et des animaux gras.
Cette révolution néolithique va nous conduire, à travers l’Histoire, jusqu’à la fin du siècle dernier : l’expansion industrielle nous apportera alors un surcroît de denrées alimentaires, essentiellement les sucres « rapides » de la confiserie et de la pâtisserie, les acides gras saturés de la charcuterie et de la crémerie, le sel à foison, et, bien sûr, divers toxiques comme les boissons fortes et le tabac.
Bref, nous qui, pendant le Paléolithique, soit durant 99,5 % de notre trajectoire d’hommes, avions été des consommateurs de gibier, de poisson et de plantes sauvages à fibres, assez durement acquis, nous devenons, au décours, pour les derniers 0,5% de notre évolution, des sédentaires aux habitudes bouleversées, aujourd’hui menacés par l’obésité de surcharge, le diabète de l’âge mûr, l’hypertension artérielle, les anomalies des graisses sanguines, les maladies coronaires, les accidents vasculaires cérébraux, et probablement certains cancers, qui sont devenus les maladies de notre XXIe siècle.
Car nous sommes demeurés, intrinsèquement, les mêmes.
Nos besoins en nutriments sont maintenant mieux connus du fait des progrès récents de la physiologie. Nous ne pouvons pas vivre – et nous n’avons pu survivre – sans un apport minimum et équilibré en protides, lipides, glucides, électrolytes, micronutriments et eau.
Une telle étude a en outre deux conséquences notables. Certes nous devons renoncer à l’image traditionnelle d’un Homme préhistorique trouvant dans une pitance carnée une difficile subsistance, tel que l’a dessiné notre imaginaire. Mais nous pouvons sans doute tirer quelques leçons pratiques de ces observations, calculs et réflexions.
L’étude de la Préhistoire se montrerait alors d’une certaine utilité pour l’homme d’aujourd’hui et, plus encore, pour celui de demain.

Gilles Delluc


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